Responsabilité décennale et preuve de l’imputabilité

Décennale : une responsabilité sans faute mais pas sans preuve de l’imputabilité

Il est constant que la responsabilité décennale des constructeurs est un mécanisme de responsabilité sans faute. Toutefois, il appartient au maitre d’ouvrage de rapporter la preuve que les désordres qu’il invoque sont imputables aux travaux réalisés par le constructeur.

CIRCONSTANCES DE L’ESPECE

En l’espèce, un maitre d’ouvrage confie, en 2004, à un constructeur la réalisation d’une extension de son bâtiment.

Se plaignant de désordres (infiltrations), le maitre d’ouvrage fait réaliser, entre 2010 et 2011, les travaux de réfection de la couverture préconisés par un expert judiciaire.

Toutefois, et compte tenu de la persistance des infiltrations, le maitre d’ouvrage assigne l’entreprise intervenue en 2010 sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

POSITION DE LA COUR D’APPEL DE RIOM

Aux termes d’un arrêt rendu le 12 octobre 2021 (Cour d’appel de Riom 12 octobre 2021 RG n°20/01668), la Cour d’appel de RIOM a rejeté les demandes du maitre d’ouvrage en relevant notamment que :

–  il n’était pas démontré que les désordres étaient consécutifs à l’intervention de la seconde entreprise ;

– il résultait du rapport d’expertise judiciaire la persistance des désordres d’origine et non pas la caractérisation de nouveaux désordres ou l’aggravation des désordres préexistants suite à l’intervention de la seconde entreprise.

CONFIRMATION DE LA COUR DE CASSATION

Aux termes d’un arrêt rendu le 30 mars 2023, la Cour de cassation confirme la solution de la Cour d’appel de RIOM en précisant que faute pour le maitre d’ouvrage de prouver l’imputabilité entre les désordres et les travaux de reprise réalisés, la responsabilité décennale du constructeur ne pouvait être recherchée.

« 6. La cour d’appel a constaté que les éléments contenus dans le rapport de Polyexpert et que l’acceptation de la SMABTP d’intervenir en garantie pour les infiltrations à partir des capots d’ondes et de la noue d’entrée n’étaient pas déterminants pour caractériser de nouveaux désordres ou l’aggravation des désordres préexistants à la suite de l’intervention de la société CMB.

7. Elle a également relevé que, si l’expert judiciaire remettait en cause, sur certains points, la qualité de l’intervention de la société CMB, il évoquait seulement la persistance des désordres existants, sans être en mesure de déterminer si la mauvaise exécution des travaux de reprise les avait aggravés ou en avait occasionné de nouveaux.

8. Elle a ajouté que l’ouvrage d’origine n’était pas étanche et que l’intervention de la société CMB n’avait pas consisté à défaire l’ouvrage précédemment réalisé mais à rajouter des éléments sur celui-ci afin de remédier aux infiltrations.

9. Ayant retenu qu’il n’était pas démontré que les travaux de reprise des désordres préexistants, exécutés par la société CMB, lesquels s’étaient révélés inefficaces, avaient pu les aggraver ou causer de nouveaux désordres, de sorte qu’ils ne constituaient pas la cause des désordres actuels, qui n’étaient que la suite directe du sinistre initial, la cour d’appel a pu en déduire, répondant aux conclusions prétendument délaissées, qu’en l’absence de lien d’imputabilité entre les travaux de reprise inefficaces et les désordres auxquels ils devaient mettre un terme, la responsabilité de plein droit de la société CMB n’était pas engagée. »

Cass. civ. 3, 30 mars 2023, n° 22-10.299, F-D

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Thomas DUNAND – DUNAND AVOCAT

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